Dans le cadre de nos articles concernant le E-Commerce: ce qui change en 2022

L’Ordonnance du 29 septembre 2021 est un texte fondamental, transposant 2 directives européennes[1], qui modernise le droit de la consommation en y intégrant des dispositions spécifiques aux biens et services issus de l’économie numérique (objets connectés, services SaaS, réseaux sociaux etc.).

Ces biens et services sont désormais identifiés sous 3 catégories :

  • les « biens comportant des éléments numériques», qui sont des biens intégrant un contenu ou service numérique ou interconnectés avec un contenu ou un service numérique. Autrement dit, ce sont tous les objets connectés.
  • les « contenus numériques», qui sont les données produites ou fournies sous forme numériques.
  • Les « services numériques», qui sont les services permettant de créer, traiter, stocker, accéder, ou encore partager des données sous forme numérique (solutions SaaS, réseaux sociaux, services de chaines numériques, etc.).

L’Ordonnance entend encadrer la vente et la fourniture de ces produits et services particuliers, et édicte dans cette optique de nouvelles normes protectrices du consommateur.

Les contenus et services numériques, tels que définis ci-dessus, obéissent désormais à un régime spécifique codifié dans une section dédiée du Code de la consommation (L. 224-25-1 et suivants) relative aux contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques.

Les obligations traditionnelles des professionnels sont également renforcées, et principalement  l’obligation d’information, l’obligation de délivrance et l’obligation de conformité.

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Cet article est le premier d’une série d’articles à paraître sur notre site concernant les nouvelles réglementations applicables aux E-commerçants en 2022.

Dans ce premier volet consacré aux nouveautés de l’Ordonnance du 29 septembre 2021, en vigueur depuis le 1er janvier, nous nous attarderons sur l’obligation d’information renforcée des professionnels.

Ce renforcement se matérialise par une extension de l’obligation précontractuelle d’information (1) et la création de nouvelles mentions obligatoires dans les contrats de fourniture de contenus ou services numériques (2).

  1. Extension de l’obligation précontractuelle d’information

Tout commerçant, qu’il vende ses produits ou service en ligne ou non, doit fournir à ses clients, avant la conclusion de la vente, certaines informations afin que ces derniers puissent contracter en connaissance de cause.

Ces informations, listées à l’article L.111-1 du Code de la consommation, comprennent historiquement les caractéristiques essentielles du bien ou service, le prix, le délai de livraison ou d’exécution, l’identité et les coordonnées du vendeur, une information sur les garanties légales et commerciales applicables, ou encore la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.

Depuis l’Ordonnance, tout commerçant doit désormais informer le consommateur sur :

  • l’existence d’un service après-vente et ses modalités de mise en œuvre ;
  • tout avantage procuré au commerçant au lieu ou en complément du prix.

L’information relative à « l’avantage procuré au lieu ou en complément du prix » coïncide avec la définition du contrat onéreux, désormais consignée dans le Code de la consommation : un contrat est onéreux, non seulement lorsque la contrepartie de la fourniture du bien ou du service consiste en un prix, mais aussi quand le professionnel reçoit un avantage au lieu ou en complément d’un prix.

Le cas le plus courant est celui du service numérique gratuit pour le consommateur, mais grâce auquel le professionnel collecte des données à caractère personnel en vue de les exploiter (réseau social par exemple). Après le sempiternel « Si c’est gratuit, c’est vous le produit ! », on pourrait désormais ajouter « Si c’est vous le produit, on vous le dit ! »

La nature de l’avantage procuré devra en outre être inscrite dans les conditions générales de vente du commerçant.

La réforme a également ajouté à l’article L. 111-1 les nouvelles mentions d’informations suivantes qui s’appliquent, cette fois ci, spécifiquement aux vendeurs de biens et services numériques :

  • les fonctionnalités,
  • la compatibilité,
  • les conditions d’interopérabilité,
  • l’existence de toute restriction de logiciel.

Les E-commerçants devront faire figurer ces informations de manière lisible et compréhensible sur leur site internet (sur les fiches produits notamment) et veiller à ce que les acheteurs y aient accès avant de passer commande.

  1. Nouvelles mentions obligatoires dans les contrats de fourniture de contenus ou services numériques

L’article L. 224-25-5 du Code de la Consommation, intégré dans la nouvelle section relative aux contrats de fourniture de contenus et services numériques, énumère un certain nombre de mentions que ces contrats doivent contenir.

On y retrouve des mentions classiques telles que l’identité et les coordonnées du professionnel ou encore celles prévues à l’article L. 111-1 et à l’article L. 221-5 du Code de la consommation, et des mentions plus caractéristiques des services numériques, telles que les conditions d’interruption du service, les éventuels coûts liés à la maintenance, les données à caractère personnel nécessaires pour la fourniture des contenus ou des services numériques, le type de mesure prise en cas d’incident de sécurité ou pour faire face à des menaces ou à des situations de vulnérabilité, etc.

Ces informations devront figurer dans tous les contrats conclus à compter du 1er janvier 2022 avec des consommateurs ou des non-professionnels (c’est-à-dire des personnes morales qui n’agissent pas à des fins professionnelles).

En cas de manquement, les professionnels s’exposeront à un amende administrative de 3 000 € pour les personnes physiques et de 15 000 € pour les personnes morales.

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En renforçant l’obligation d’information et en l’adaptant à l’objet numérique de certains contrats, le Législateur poursuit sa démarche de construction d’un droit de la consommation ultra-protecteur.

Si ces nouvelles contraintes pourront sans doute être absorbées sans difficulté par les plus gros acteurs du secteur numérique, cela pourrait s’avérer plus délicat pour les entreprises plus modestes, notamment du fait de la technicité des nouvelles informations requises et de la difficulté éventuelle à les obtenir de leurs propres fournisseurs.

 

Me Paul-Clément MARTEL

 

[1] Directive n° 2019/770 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et directive n° 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens