(Cour d’appel de Paris, 16 décembre 2022)

Constatant certaines reprises ou ressemblances entre son site internet et celui d’un concurrent, la société Léa a assigné la société Art & Pub en parasitisme devant le tribunal de commerce de Paris.

Alors que le tribunal de commerce n’y voyait rien à redire, la cour d’appel de Paris a, en revanche, condamné la société Art & Pub à 20 000 € de dommages-intérêts pour parasitisme.

Les faits

La société Léa est présente depuis 2012 sur le marché en ligne de la vente d’étiquettes et d’objets personnalisés pour enfants.

Sa concurrente, la société Art & Pub, lance son site internet en 2018 sur un créneau similaire.

En 2019, la société Léa fait constater par huissier de justice plusieurs éléments sur le site internet de la société Art & Pub, quelle estime être des reprises ou ressemblances de son site internet.

Puis, elle met en demeure sa concurrente qui modifiera son site internet mais sans répondre à la mise en demeure.

C’est dans ces conditions que la société Léa assigne en parasitisme la société Art & Pub, devant le tribunal de commerce de Paris.

Alors que le tribunal de commerce de Paris déboute la société Léa, la cour d’appel de Paris va lui donner raison.

La motivation de la cour d’appel

La cour d’appel commence par rappeler la définition du parasitisme :

« Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis. »

La cour d’appel se base ensuite sur les éléments constatés par l’huissier et procède à une comparaison des deux sites internet.

Rubriques en page d’accueil et texte de présentation

Elle retient tout d’abord que la page d’accueil du site internet de la société Art & Pub « reprend des rubriques identiques ou très proches, de celles du site de la société Léa, présentées dans le même ordre, ainsi qu’un texte de présentation du service identique ».

La reprise du texte de présentation ne fait pas débat puisque l’huissier a constaté la présence à l’identique de ce texte de présentation : « Etiquettes et objets personnalisés pour enfants, personnalisez votre étiquette thermocollante pour marquer vêtements, fournitures scolaires, objets personnels. A l’école, en colonie de vacances, en classe découverte ou en crèche, marquer les vêtements devient un vrai plaisir. Nos étiquettes vêtements sont 100% personnalisables et très résistantes (lave-linge et sèche-linge). Nos étiquettes personnalisées raviront vos enfants ou constitueront un cadeau de naissance original »

En revanche, l’identité / proximité des rubriques est moins évidente :

Les 7 rubriques du site internet de la société Léa : packs pratiques, étiquettes vêtements, étiquettes autocollantes, gourdes et mugs personnalisés, lunch boxes personnalisées, trousses et sacs personnalisés et, nos activités pour enfants
Les 9 rubriques du site internet de la société Art & pub : packs pratiques, étiquettes vêtements, autocollants objets, lunch boxes bento, gourdes isothermes, tote bags sacs, coussins sequins, mugs personnalisables et bracelets d’identification

Présentation et fonctionnalités des pages de personnalisation

La cour d’appel retient ensuite que les rubriques et produits de même gamme « sont présentés de façon identique ou très similaire avec des dessins décoratifs approchants ».

Elle relève aussi que « dans la rubrique « étiquettes autocollantes », la page consacrée à certains produits comme les chaussures ou les vêtements a une présentation très proche, avec une bande en haut de la page constituée de plusieurs photographies de forme carrée représentant plusieurs exemples de chaussures ou vêtements portant une étiquette, ces photographies étant très similaires, et les rubriques permettant de personnaliser l’étiquette (fond, écriture, dessins, mon texte…) quasi identiques et présentées de la même manière.»

Différences observables chez les tiers concurrents

La cour d’appel va également constater que les autres sites internet proposant des articles personnalisés optent pour une présentation et des rubriques différentes que celles observées sur les sites internet des sociétés Léa et Art & Pub.

Pour les juges d’appel, ces différences les conforte dans le fait que le fonctionnement et la présentation du site internet de la société Léa sont le fruit d’un investissement : « Ceci montre une singularité dans la présentation du site internet de la société Léa sans que celle-ci ait à démontrer un effort créatif particulier, le site étant connu de l’internaute de par la présentation des pages qui le constituent, qui comportent des rubriques particulières et des systèmes de personnalisation d’étiquettes dédiés qui ont fait l’objet de nombreux échanges avec les prestataires de la société Léa ayant participé à la conception ou à l’évolution du site (pièce 12) entre 2012 et 2018 pour une présentation plus intuitive ».

Indifférence des dépenses engagées par le parasite

La cour d’appel écarte les pièces versées par la société Art & Pub censées démontrer son investissement financier dans la conception de son site internet. Elle juge que « la circonstance que la société Art et Pub a également investi dans son projet n’est pas exclusif des agissements fautifs précédemment caractérisés ».

Le parasitisme retenu

La cour d’appel en conclut que les nombreuses reprises d’éléments du site internet de Léa « doivent être appréhendées dans leur globalité, ce quand bien même chaque élément apparaît comme banal, et indépendamment de tout risque de confusion, ne peuvent être considérées comme fortuites ou relevant des tendances du marché».

Au contraire, la cour d’appel juge que ces agissements témoignent d’une volonté de s’inscrire, à titre lucratif et de façon injustifiée, dans le sillage du concurrent.

Il en résulte un comportement fautif, constitutif d’agissements parasitaires.

A retenir

✅ Le parasitisme peut venir sanctionner l’imitation d’un site internet qui n’est pas protégé par le droit d’auteur.

✅ La reprise d’éléments même banals d’un site internet peut être suffisante pour être fautive et constitutive d’agissements parasitaires.

✅ Avant toute réclamation, il est recommandé à la victime de parasitisme d’établir un constat d’huissier en ligne pour établir la preuve des éléments litigieux.

✅ Les tendances du marché et pratiques des autres concurrents peuvent être prises en compte pour écarter ou retenir la singularité d’un site internet copié.

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