Dans le cadre de nos articles concernant le E-Commerce: ce qui a changé en 2022

Cet article est le 4ème de notre série d’articles relative aux nouvelles réglementations applicables aux E-commerçants en 2022.

Après un premier volet consacré aux nouveautés de l’Ordonnance du 29 septembre 2021, nous revenons sur la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC), et aux nouvelles contraintes qu’elle fait peser sur les professionnels ( dont de nombreuses depuis le 1er janvier 2022).

Ces nouvelles règles s’imposent notamment aux professionnels de la vente en ligne qui commercialisent sur leur site des produits potentiellement polluants.

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La loi AGEC est une loi écologique qui aspire à assainir nos modes de production et de consommation afin de préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat.

Elle s’articule autour de 5 grands axes : mettre fin au plastique jetable, améliorer l’information des consommateurs sur les produits et leur impact environnemental, lutter contre le gaspillage et pour le réemploi, agir contre l’obsolescence programmée, et mieux produire.

Pour y parvenir, le Législateur a mis à la charge des professionnels qui fabriquent, importent, ou commercialisent des « produits générateurs de déchets », de nouvelles obligations, notamment en matière d’information, de conformité et de réemploi.

L’ensemble de ces obligations correspond à ce que la loi appelle la « responsabilité élargie des producteurs » (REP), qui repose notamment sur le principe pollueur-payeur.

Les producteurs (fabricants, importateurs, vendeurs) de produits susceptibles d’avoir un impact néfaste sur l’environnement peuvent ainsi être rendus responsables du financement et de l’organisation de la prévention et de la gestion des déchets issus de ces produits.

Parmi ces produits, on retrouve par exemple les emballages ménagers, les piles, les pneumatiques, les véhicules, les articles textiles et chaussures, les équipements électroniques, les articles d’ameublement, les produits chimiques, les produits du tabac, les huiles minérales ou synthétiques, les articles de bricolage, les articles de sport ou encore les jouets.

Les nouvelles obligations édictées par la loi AGEC, dont les principales sont entrées en application le 1er janvier 2022, concernent donc un très grand nombre de professionnels, dont les e-commerçants.

Nous vous présentons ci-dessous les principales.

 

Obligations d’enregistrement à l’ADEME et d’information annuelle

 

Depuis le 1er janvier 2022, tout « producteur » soumis à la responsabilité élargie des producteurs, au sens de l’article L. 541-10 du Code de l’environnement, à savoir toute personne qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets, doit :

  • s’enregistrer auprès de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui lui délivrera un identifiant unique ;
  • transmettre annuellement à l’ADEME un justificatif de son enregistrement ainsi que des informations sur les produits : taux d’incorporation de matières recyclées, données sur la gestion des déchets issus de ces produits, données pertinentes pour suivre et déterminer les objectifs de prévention et de gestion des déchets.

 

Obligations d’information des acheteurs

 

  • Communication de l’identifiant unique

L’identifiant unique remis par l’ADEME devra figurer dans les conditions générales de vente du « producteur » ou à défaut dans tout autre document contractuel communiqué à l’acheteur.

La loi précise que pour les vendeurs en ligne, l’identifiant unique devra être communiqué aux internautes dans les conditions de la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), c’est-à-dire dire dans les mentions légales du site.

  • Information pour faciliter le tri par les consommateurs (Logo Triman et consignes Info-Tri)

La Loi AGEC impose une information des consommateurs sur les modalités de tri afin de faciliter sa compréhension par le public, et donc de le développer.

Elle élargit à ce titre l’obligation d’apposer le logo Triman à tous les produits générateurs de déchets, quelle que soit la filière concernée, qui devra désormais s’accompagner d’une information visuelle sur les gestes de tri (Info-Tri).

Cette signalétique devra figurer, aux termes de l’article L. 541-9-3 du Code de l’environnement, sur les produits mis sur le marché à destination des ménages, c’est-à-dire à destination de consommateurs finaux personnes physiques uniquement.

Pour les sites e-commerces, ces informations devront figurer sur les fiches descriptives des produits.

  • Information sur les qualités et caractéristiques environnementales du produit

Depuis le 1er janvier 2022, les professionnels soumis à la REP doivent fournir aux consommateurs diverses informations sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits.

Aux termes de l’article L. 541-9-1 du Code de l’environnement, ces informations peuvent notamment porter sur l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la compostabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi, la recyclabilité et la présence de substances dangereuses, de métaux précieux ou de terres rares.

Ces informations doivent être mises à disposition du public par voie électronique dans un format aisément réutilisable, et être accessible ou visible au moment de l’acte d’achat.

Cela suppose, pour le vendeurs en ligne, que ces informations figurent sur les fiches produits des articles concernés.

Par ailleurs, certaines mentions sur les produits et emballages sont désormais interdites, en raison de leur caractère trompeur.

Il en va ainsi des mentions « respectueux de l’environnement », « biodégradable » ou toutes mentions équivalentes, en l’absence de consensus scientifique sur la réalité de ces caractéristiques.

De même, les produits et emballages plastiques dont la compostabilité ne peut être obtenue qu’en unité industrielle ne peuvent pas porter la mention « compostable ».

Bien que le texte ne le mentionne pas expressément, il va de soi que ces mentions ne devront pas apparaître sur les fiches descriptives des produits lorsque ceux-ci sont vendus en ligne.

Enfin, lorsqu’il est fait mention du caractère recyclé d’un produit, le produit, son emballage et le cas échéant la fiche produit du site sur lequel le produit est vendu devront préciser le pourcentage de matières recyclées effectivement incorporées.

  • Information sur l’indice de réparabilité

Le texte prévoit l’affichage obligatoire d’un indice de réparabilité pour certains produits électriques et électroniques.

Dans un premier temps, il concerne les catégories de produit suivantes :  lave-linge à hublot, smartphones, ordinateurs portables, téléviseurs et tondeuses à gazon électriques, et bientôt, lave-linges à chargement par le dessus, lave-vaisselles, aspirateurs et nettoyeurs à haute-pression.

Cet indice est une note sur 10 informant le consommateur sur le caractère plus ou moins réparable du produit.

Il vise à sensibiliser les consommateurs sur la durée de vie des produits qu’ils achètent et à les inciter d’une part à choisir des produits plus facilement réparables et d’autre part à recourir d’avantage à la réparation en cas de dysfonctionnement.

L’indice de réparabilité devra figurer sur les produits eux-mêmes, sur les emballages, et le cas échéant sur les fiches produits du site e-commerce sur lequel ils sont proposés.

  • Information sur les pièces détachées des biens meubles

Tout fabricant ou importateur de biens meubles (y compris des biens meubles ne générant pas de déchets) doit, depuis le 1er janvier 2022, fournir aux vendeurs professionnels avec lesquels ils traitent des informations sur les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens concernés ainsi que des informations sur leur disponibilité (L. 111-4 du Code de la consommation).

Les vendeurs doivent ensuite mettre à disposition des consommateurs ces informations de manière lisible, avant la conclusion de la vente, et sur tout support adapté.

Elles devront notamment pouvoir être lues le bon de commande s’il existe, ou sur tout autre support durable constatant ou accompagnant la vente (D. 111-4 du Code de la consommation), et donc sur les fiches produits en ce qui concerne les e-commerçants, ainsi que dans les emails de confirmation de commande.

 

Extension de la garantie légale de conformité pour les biens réparés

 

La loi AGEC prévoit que désormais tout consommateur ou non-professionnel faisant réparer un produit dans le cadre de la garantie légale de conformité bénéficie d’une extension de garantie de 6 mois sur le produit réparé.

Le but est d’inciter les consommateurs à faire réparer leurs biens plutôt que d’en acheter de nouveaux.

 

Obligations liées au réemploi et à la réutilisation des produits

 

Le texte étend à tous les produits générateurs de déchet l’interdiction d’éliminer les invendus (cette obligation existait jusque là uniquement pour les denrées alimentaires).

Cette interdiction s’accompagne d’une obligation pouvant être faite aux distributeurs (et donc aux e-commerçants) de reprendre sans frais les produits usagés des utilisateurs finaux (professionnels ou non) et d’œuvrer à leur réemploi, à leur réutilisation ou à leur recyclage.

Cette obligation s’applique aux vendeurs en ligne dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 100 000 €, et uniquement pour certains produits (par exemple, les équipements électriques et électroniques, et, depuis le 1er janvier 2022, les éléments d’ameublement).

Les conditions de reprise doivent dans ce cas être mises à disposition de l’utilisateur final de manière visible, lisible et facilement accessible, et avant que la vente ne soit conclue, soit sur le lieu de vente en cas de vente physique, soit par tout moyen approprié en cas de vente à distance (sur les fiches produits ou dans une rubrique dédiée sur site par exemple).

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En résumé…

Entre protection de la planète et protection du consommateur, la loi AGEC poursuit des objectifs louables, conformes aux impératifs de notre temps, et doit être accueillie avec bienveillance.

Pour les professionnels concernés, l’accueil sera sans doute plus mitigé, en raison des nouvelles contraintes qu’elle fait peser sur eux, à chaque niveau de la chaîne, de la fabrication jusqu’à la commercialisation.

En tant que revendeurs de produits potentiellement générateurs de déchets, les e-commerçants sont concernés.

Après une période de transition de 12 mois accordée pour se mettre en conformité, ces derniers ne pourront plus compter sur la mansuétude des autorités et doivent désormais se mettre en conformité.

Cela passe d’abord par l’identification des produits de leur catalogue susceptibles d’être concernés par la nouvelle réglementation.

Il conviendra ensuite de s’assurer que ces produits comportent les informations requises (caractéristiques environnementales, pièces détachées, consignes de tri, etc.).

A défaut, il faudra soit obtenir des fournisseurs qu’ils intègrent ou mettent à disposition ces informations, soit, en toute rigueur, ne plus proposer leurs produits au consommateur.

A plus long terme, les e-commerçants sont appelés à faire preuve d’une grande vigilance dans le choix de leurs produits et à privilégier des fournisseurs respectueux des prescriptions de la loi.

 

Me Paul-Clément Martel