Pour rappel, les logiciels sont officiellement protégés par le droit d’auteur depuis 1994. Même si ces œuvres sont soumises à des règles particulières, les grands principes en demeurent inchangés. Ainsi, c’est toujours la forme de l’œuvre qui est protégée, c’est–à–dire la structure du logiciel et sa logique. L’originalité demeure la condition essentielle à la protection par le droit d’auteur. Elle suppose a contrario que l’œuvre n’est pas banale. La jurisprudence française estime depuis 1986 que c’est dans le code source que l’on va pouvoir appréhender la logique du programmeur et surtout juger de son originalité.
En matière de logiciel, l’originalité va supposer que le programmeur ait fourni un minimum de travail intellectuel lors des choix qu’il a eu à faire dans sa méthode de programmation. Il doit avoir bénéficié d’une certaine liberté dans ses choix et que ceux-ci ne soient pas dictés uniquement par les contraintes techniques telles que celles imposées par le langage informatique utilisé (ce qui reviendrait à dire qu’il n’avait pas le choix pour obtenir le résultat souhaité). Par code source on entend la mise en forme du langage à l’exclusion d’éléments tels que les algorithmes, les fonctionnalités, la structure du site, la base de données et l’expression télévisuelle du code une fois exécuté.
La jurisprudence de la Cour de cassation la plus récente en la matière en date du 17/10/12 a réaffirmé une conception très classique de l’originalité en matière de code source. Cette appréciation est donc très objective à savoir que les magistrats vont chercher avant tout à déterminer si l’auteur programmeur a eu un apport intellectuel et un effort personnalisé.
Fidèles à la célèbre jurisprudence BABOLAT c / PACHOT de 1986 (Ass. Plén., 7 mars 1986, Babolat c/ Pachot), les magistrats évaluent donc si les solutions mises en œuvre par l’auteur pour aboutir à ses objectifs lors de son travail de programmation révèlent bien une réflexion qui dépasse la simple application des règles imposées par le langage de programmation et connues de tout professionnel du secteur. Dans ce dernier cas, le travail du programmeur ne reviendrait qu’à l’application d’un savoir-faire dont la valeur est reconnue en tant que telle mais qui n’est pas de nature à donner naissance à une originalité. L’application d’un savoir-faire réclame de la connaissance sur ce savoir faire mais non de la réflexion. Il doit il y avoir une forme d’effort créatif dans la façon de programmer !
Cette décision récente redonne une vigueur nouvelle à l’arrêt fondateur du droit du logiciel en France et doit rappeler à une certaine vigilance en matière d’appréciation de l’originalité d’une création maintenant omniprésente dans notre économie. Le logiciel original ne doit pas être confondu avec la simple application d’une méthode de programmation qui serait trop dirigiste. L’exemple doit aussi être pris des logiciels permettant de créer d’autres logiciels, parfois appelés aussi « usines à logiciels ». Un programme ne pouvant faire preuve d’esprit créatif, il ne fait qu’appliquer une méthode programmée pour réaliser un nouveau logiciel suivant des paramètres renseignés par l’utilisateur. Le logiciel qui en résulte ne sera pas original à notre sens.
Ceci peut revenir à estimer que lorsque l’humain se conduit en machine, sa création est dénuée de toute empreinte de la personnalité de son auteur qui ne devient qu’un « codeur ».
Gérald SADDE – Avocat