Par un arrêt du 1er mars 2012 (C‑604/10) LA COUR  de JUSTICE DE l’UNION EUROPEENNE  (CJUE) est venue repréciser les conditions de protection d’une base de données par le droit d’auteur au sens de la Directive 96/9/CE ( Protection juridique des bases de données – Droit d’auteur ). La base de données concernait en l’occurrence un calendrier sportif et plus exactement l’établissement des calendriers annuels des rencontres des championnats de football.

La question préjudicielle posée à la Cour était la suivante (la plus intéressante des deux en réalité) :

« Qu’entend-on, à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/9[…], par ‘bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur auteur’, et plus spécifiquement:

a)      les efforts intellectuels et le savoir-faire mis en œuvre dans la création de données doivent-ils être exclus;

b)      le choix ou la disposition’ impliquent-ils un ajout significatif à la donnée préexistante (comme dans le cas de la fixation de la date d’une rencontre de football), et

c)      la ‘création intellectuelle propre à [l’]auteur’ requiert-elle plus qu’un travail et un savoir-faire significatifs de la part de l’auteur, et, dans l’affirmative, que requiert-elle?« 

Dans la réponse de la Cour on relèvera principalement les éléments suivants:

– « (…) le droit d’auteur et le droit «sui generis» constituent deux droits indépendants dont l’objet et les conditions d’application sont différents. »

-« (…) la protection par le droit d’auteur prévue par cette directive [directive 96/9]  a pour objet la «structure» de la base de données, et non son «contenu» ni, partant, les éléments constitutifs de celui-ci. »

-« (…) les notions de «choix» et de «disposition», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/9, visent, respectivement, la sélection et l’agencement de données, par lesquels l’auteur de la base confère à celle-ci sa structure. En revanche, ces notions ne couvrent pas la création des données contenues dans cette base. »

-« (…)  les éléments visés dans la première question, sous a), posée par la juridiction de renvoi et relatifs aux efforts intellectuels ainsi qu’au savoir-faire consacrés à la création de données ne sauraient entrer en ligne de compte pour apprécier l’éligibilité de la base de données qui les contient à la protection par le droit d’auteur prévue par la directive 96/9 »

-« (…)  les moyens, notamment intellectuels [mis en oeuvre pour la création de la base de données], visent, dans le cadre de l’organisation des championnats concernés, à déterminer la date, l’horaire et l’identité des équipes correspondant à chacune des rencontres de ces championnats, en fonction d’un ensemble de règles, de paramètres et de contraintes organisationnelles. (…) ces moyens portent sur la création des données mêmes qui sont contenues dans la base en cause (…). Par conséquent, et eu égard à ce qui a été exposé au point 32 du présent arrêt, ils ne sont, en tout état de cause, d’aucune pertinence pour apprécier l’éligibilité des calendriers de rencontres de football en cause au principal, à la protection par le droit d’auteur prévue par la directive 96/9.

Ainsi la Cour rappelle que les moyens intellectuels déployés en vue de créer du contenu ne remplissent pas les critère de la protection de la base au titre du droit d’auteur instauré par la directive 96/9.

Sur la question de la protection de la base de données par le droit d’auteur, la Cour relève que :

-« (…) S’agissant de la constitution d’une base de données, ce critère de l’originalité est rempli lorsque, à travers le choix ou la disposition des données qu’elle contient, son auteur exprime sa capacité créative de manière originale en effectuant des choix libres et créatifs et imprime ainsi sa «touche personnelle» « 

-« (…) le fait que la constitution de la base de données ait requis, indépendamment de la création des données qu’elle contient, un travail et un savoir-faire significatifs de son auteur, tels que visés par cette même question, sous c), ne saurait, comme tel, justifier sa protection par le droit d’auteur prévue par la directive 96/9, si ce travail et ce savoir-faire n’expriment aucune originalité dans le choix ou la disposition desdites données. »

-« (…) une «base de données», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, est protégée par le droit d’auteur prévu par celle-ci à condition que le choix ou la disposition des données qu’elle contient constitue une expression originale de la liberté créatrice de son auteur, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier. »

La Cour rappelle ici les fondamentaux de l’originalité.

La Cour conclue son raisonnement pas le résumé suivant :

–      «   les efforts intellectuels et le savoir-faire consacrés à la création desdites données ne sont pas pertinents pour déterminer l’éligibilité de ladite base à la protection par ce droit [d’auteur]; »

Comprenez que ces efforts louables n’impactent que les données selon la Cour et non la structure de la base de données.

–       « il est indifférent, à cette fin, que le choix ou la disposition de ces données comporte ou non un ajout significatif à celles-ci, et« 

Seule le critère de l’originalité dans le choix et la disposition rentre en ligne de compte pour juger de la protection de ladite structure.

–        « le travail et le savoir-faire significatifs requis pour la constitution de cette base ne sauraient, comme tels, justifier une telle protection s’ils n’expriment aucune originalité dans le choix ou la disposition des données que celle-ci contient. »

Le travail et le savoir-faire ne peuvent être pris en compte que s’ils se matérialisent sous la forme d’une originalité dans le choix ou la disposition des données.

Gardons à l’esprit que le but de la réglementation sur les base de données, dont la Cour est la gardienne, est de conserver une cohérence et une logique entre les différents modes de protection et d’éviter que n’empiète les uns sur les autres le droit sui generis, le droit d’auteur et tout simplement ce qui relève du non protégeable. Et la Cour rappelle sur ce dernier point que le critère d’originalité  « n’est pas rempli lorsque la constitution de la base de données est dictée par des considérations techniques, des règles ou des contraintes qui ne laissent pas de place pour une liberté créative« . Cette limite ainsi rappelée est particulièrement utile en matière de programmation et d’application informatique souvent soumises à d’importantes contraintes techniques ou fonctionnelles. 

La Cour dans cette arrêt ne bouleverse rien au contraire, elle réaffirme les critères permettant l’analyse de l’originalité et replace cette dernière au centre des questionnements sur la possibilité pour une création de bénéficier de la protection du droit d’auteur.

Gérald SADDE – Avocat Associé