Les places de marché en ligne (marketplaces) existent depuis près de 30 ans. D’abord généralistes – Ebay, Amazon – les marketplaces ont fini par évoluer dans le sens d’une spécialisation dans une verticale métier – Darty pour l’électroménager, IKEA pour l’ameublement.

Ces dernières années, le développement des marketplaces n’a cessé de croître. Selon la FEVAD, le chiffre d’affaire du E-commerce représentait 92,6 milliards d’euros fin 2018, soit 13,4% de plus qu’en 2017[1]. Toujours selon la FEVAD, en 2019, parmi les entreprises de 10 personnes ou plus qui vendent en ligne, 38% vendent sur les places de marché.

Cet accroissement du poids des marketplaces dans l’économie a entraîné dans son sillage l’apparition de marketplace builders. La spectaculaire levée de fonds de la société Mirakl[2] (300 millions de dollars) le 22 septembre 2020 témoigne de l’ampleur du phénomène de digitalisation de la vente.

Le développement de ce medium a également vu se multiplier des pratiques commerciales illicites ou déloyales. Celles-ci ont poussé le législateur et les autorités de contrôle à multiplier les réglementations applicables aux marketplaces. Car, si juridiquement une marketplace est un courtier, la réalisation de cette prestation sur l’Internet la place aux confins de nombreuses et récentes réglementations, bien au-delà du simple statut de courtier.

On peut citer pêle-mêle :

  • Définition de « l’opérateur de marketplace » par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique[3]. L’objectif de cette loi était notamment de renforcer le pouvoir d’agir des consommateurs et leurs droits dans le monde numérique ;
  • Obligation en matière de sécurité des marketplaces découlant de la loi n°2018-133 du 26 février 2018 « portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité». Cette loi transpose la Directive Européenne (UE) 2016/1148 du 6 juillet 2016, connue sous l’acronyme « NIS » qui préconise des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’Union européenne ;
  • Obligations en matière fiscale. La réglementation fiscale des marketplaces a été largement renforcée, rendant l’opérateur toujours plus responsable des éventuels manquements de ses vendeurs (notamment avec le Paquet TVA pour le E-commerce dont les dernières dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2021);
  • Réglementation liée au transport et à la mobilité (notamment VTC, stationnement) qui est désormais encadrée par la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019;
  • Définitions des relations entre l’opérateur de plateforme et les marchands référencés sur la marketplace par le règlement 2019/1150 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne (Platform to business);
  • Obligations en matière de sécurité des paiements, tout opérateur de plateforme doit mettre en place un système d’authentification forte des transactions. Avant cela, la DSP2 restreignait déjà largement la manipulation de fonds par les opérateurs de plateformes;
  • Obligations en matière de traitement de données à caractère personnel découlant de l’entrée en vigueur du règlement no 2016/679, dit règlement général sur la protection des données (RGPD).

Il n’est donc pas exagéré d’avancer que l’on assiste depuis quelques années à la naissance d’un véritable droit de la marketplace, à la frontière du juridique et de l’ingénierie.

En effet, ces réglementations ont des conséquences au niveau du legal design, c’est-à-dire de l’architecture et de l’apparence des marketplaces.

Autrement dit, le juridique doit maintenant faire partie du cahier des charges des projets de développement informatique. Seront impactés : la structure des bases de données, la gestion des droits d’accès, de modification, de suppression, la gestion des délais de conservation, l’apport de l’information légale au client final, le recueil de son consentement. Tous ces points doivent faire l’objet de spécifications techniques découlant des contraintes juridiques dès la phase de conception du projet. Cela pour s’assurer une marketplace conforme d’un point de vue légal et éviter des modifications coûteuses en temps et en argent postérieurement à la livraison du projet.

Dans ce cadre, il est donc important de se faire accompagner par un avocat ayant une vision d’ensemble de la matière : à la fois technique et juridique.

[1] Les chiffres clés 2019 (FEVAD) https://www.jvweb.fr/wp-content/uploads/2019/06/Chiffres-Cles-2019_Fevad.pdf

[2] https://www.mirakl.fr/mirakl-realise-une-levee-de-fonds-de-300m-la-plus-importante-realisee-par-une-start-up-francaise/

[3] Article 49 « est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :

1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;

2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service. »