Le 18 octobre 2012, La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur une question préjudicielle posée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) dans une affaire connue sous le nom de « Football Dataco ». La question concernait l’application de la directive 96/9/CE instituant la protection spécifique reconnue aux producteurs de bases de données. Ces derniers bénéficient en effet d’un droit de propriété intellectuelle spécifique, dit sui generis, protégeant leurs investissements dans leur base de données contre les extractions de contenu de nature quantitativement et qualitativement substantiel. Or, la Société Football Dataco, est productrice d’une base de données accessible en ligne concernant le championnat de football anglais dénommée «Football Live». Le 23 avril 2010, Football Dataco e.a., affirmant que les informations contenues dans la base Sport Live Data étaient extraites de Football live, a demandé à la société Sportradar, devant la High Court of Justice (England & Wales) (Royaume-Uni), réparation pour les dommages découlant d’une violation du droit sui generis dont elles disposaient sur la base de données Football Live.

 La question préjudicielle posée, qu’il nous faut simplifier, concernait d’abord les notions, propres à la directive, d’ « extraction » et de « réutilisation » des données de la base.  Il était demandé à la Cour de qualifier le fait pour une société d’envoyer, à la demande d’un internaute, les données sur la machine de ce dernier. Sur ce premier point la Cour estime sans grande surprise que la mise à disposition de données sur internet constitue bien une « réutilisation » des données par la société qui aura auparavant extrait et hébergé sur son site lesdites données. Il y a donc bien une potentielle violation du droit du producteur dans la mise en place d’une telle pratique.

La Cour en profite  pour réaffirmer que cette notion doit « être comprise dans un sens large, comme visant tout acte, non autorisé par le fabricant de la base de données protégée par ce droit sui generis, qui consiste à diffuser au public tout ou partie du contenu de celle-ci »  et de s’en référer au célèbre  arrêt du 9 novembre 2004, The British Horseracing Board e.a. ( C‑203/02, Rec. p. I-10415, points 45, 46, 51 et 67).

La deuxième difficulté d’application soumise à la sagacité de la Cour concernait la détermination du lieu où l’acte de réutilisation était effectivement réalisé et l’application du droit local en matière de protection des base de données. En effet, ici, la réutilisation des données avait lieu au travers des clients de SPORTRADAR, des sociétés tiers exploitantes de sites de paris sportifs en ligne hébergés en-dehors du territoire anglais. Exprimé plus simplement, on demandait à la Cour de se prononcer sur les conséquences, en matière de droit sui generis des bases de données, du caractère transfrontalier des sites internet. Car si la mise à disposition sur un site web vaut réutilisation, alors le simple fait de pouvoir accéder au site permettrait de conclure à l’application du droit anglais en la matière, ce qui serait exagéré.

La Cour rappelle donc un mécanisme bien connu permettant de juguler ce risque qui conduirait tous les sites internet du monde à devoir respecter toutes les réglementations locales de chaque pays à partir desquels ils sont accessibles: « La localisation d’un acte de réutilisation sur le territoire de l’État membre vers lequel les données concernées sont envoyées dépend de l’existence d’indices permettant de conclure que cet acte révèle l’intention de son auteur de cibler les personnes situées sur ce territoire (voir, par analogie, arrêts précités Pammer et Hotel Alpendorf, points 75, 76, 80 et 92; L’Oréal e.a., point 65, ainsi que Donner, points 27 à 29)« .

Au titre de ces indices, la Cour relève pour l’espèce que lesdits sites de paris utilisent justement les données litigieuses pour proposer des paris sur les rencontres sportives anglaises. Les données sont en quelques sortent géolocalisées et désignent par nature le territoire anglais comme une cible commerciale préférentielle. Par ailleurs le fait que les sociétés de paris clientes de SPORTRADAR adressent régulièrement la clientèle du Royaume-Uni est un point qui peut entrer en ligne de compte. Enfin la langue utilisée pour commercialiser le service utilisant les données litigieuses est à observer.

Ces indices du territoire effectivement adressés par l’offre, sont seuls de nature à indiquer que l’acte de réutilisation a bien lieu sur le territoire dont la compétence des juridictions et l’application du droit sont réclamés. La Cour réaffirme, si besoin en était encore, que la localisation des serveurs web hébergeant les services litigieux et totalement indifférente dans cette analyse. Le contraire reviendrait à priver la directive de toute efficacité.

 Lien vers l’affaire C‑173/11

Gérald SADDE – Avocat Associé